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les sophistes.................image inversée du philoosophe...............Gorgias

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Message  Mme Emel Sam 24 Oct - 6:10

Paton les déteste............peut-être parce qu'ils l'attirent..........
calliclès la menace tentatrice de Platon
celui qu'il aurait pu devenir s'il n'avait rencontré Socrate
c'est toute la leçon du Gorgias....
Selon une légende, la rhétorique serait née en Sicile, vers 465 avant J-C, en réaction à la tyrannie d'Hiéron de Syracuse. Le premier nom connu est celui de Korax (probablement un surnom, car le nom signifie "corbeau" !), qui aurait édité un recueil de conseils concernant l'éloquence judiciaire. Il s'agit bien alors, comme l'affirme Socrate, d'un "savoir-faire", destiné à aider les plaideurs à gagner leur procès. Korax, ainsi que son élève Tisias, enseignent la rhétorique dans la première moitié du 5ème siècle.

Puis l'éloquence gagne la Grèce continentale, notamment grâce à deux personnages surtout connus au travers des œuvres de Platon : Protagoras (486-410) et Gorgias (485-374).

Protagoras aurait codifié les règles de la dialectique, c'est à dire l'art d'opposer deux thèses.

Gorgias, quant à lui, enseigne la dimension proprement littéraire de l'art oratoire, notamment par l'usage des figures et des tropes ; la rhétorique, à ses yeux proches de la poésie, n'est plus seulement un savoir-faire purement pratique : elle acquiert ses lettres de noblesse, devenant même un instrument de pouvoir, voire même un instrument de connaissance : Gorgias affirme en effet, que quiconque ne connaîtrait pas le juste et l'injuste, les apprendrait chez lui ! cf. Gorgias, p. 150.

C'est ce qui vaudra à la rhétorique la condamnation de Socrate et de Platon : la rhétorique, qui n'est ni moyen de connaissance, ni moyen du seul pouvoir qui compte, celui de vivre selon la justice, n'est rien d'autre qu'un art du mensonge, de la flatterie : comme la cuisine par rapport à la médecine, la rhétorique "vise à l'agréable sans souci du meilleur. Un art ? J'affirme que ce n'en est pas un, rien qu'un savoir-faire [...], rien qu'une pratique qui agit sans raison." Et plus loin, Platon met la rhétorique sur le même plan que l'art du maquillage : "chose malhonnête, trompeuse, vulgaire, servile, et qui fait illusion..." (465a, p. 162). La condamnation est sans appel !

La rhétorique n'en mourut pas, au contraire. Isocrate (436-338), célèbre orateur, enseigne une prose claire, efficace ; pour lui, l'enseignement de la rhétorique ne se sépare pas d'une solide formation morale : en apprenant à régler son discours, on apprend aussi à régler sa vie...

La fin du 5ème siècle et la première moitié du 4ème siècle, qui voient les derniers feux de la démocratie athénienne, avant que celle-ci ne soit engloutie dans les conquêtes de Philippe de Macédoine, puis d'Alexandre le grand, voient aussi l'émergence de l'art oratoire comme genre littéraire à part entière ; de très grands orateurs se partagent la vedette : Antiphon (479-411) ; Lysias (440-378) dont le frère fut assassiné par les "Trente tyrans", avocat ; Démosthène (384-322, qui consacra la plus grande partie de sa vie à tenter d'alerter ses concitoyens sur les dangers de l'expansionnisme macédonien ; et son adversaire Eschine (389-314)... Isocrate, enfin, dont on a parlé plus haut. Tous ces orateurs, qui mettent leur art au service soit des tribunaux (comme "logographes" : la profession d'avocat n'existait pas à Athènes, et l'on devait se défendre soi-même ; mais l'on pouvait faire appel à des professionnels qui écrivaient le discours que l'on n'avait plus qu'à prononcer... Lysias et Isocrate furent d'excellents logographes), soit au service de causes politiques et patriotiques. C'est alors que les règles de l'art oratoire se codifient peu à peu. Il reviendra à Aristote de les synthétiser dans sa Rhétorique et sa Poétique.

Aristote, dans sa Rhétorique, réhabilite cet art. Rompant ainsi avec son maître Platon, il estime que la rhétorique a un rôle à jouer dans tous les domaines où nous ne pouvons disposer de raisonnements certains - domaines de la dialectique - mais seulement de probabilités fondés sur des argumentations. Il condamne la démagogie, cette forme de rhétorique qui ne s'appuie que sur les sentiments, les passions du public, mais il estime que la rhétorique est légitime, dès lors qu'elle fait appel au raisonnement des auditeurs.
L'enjeu de cette opposition n'est pas mince : alors que Platon condamnait sans réserve la démocratie, et l'art de la parole qui lui est intimement lié, Aristote la considère, lui, comme le moins mauvais des régimes : les moyens d'un gouvernement modéré du démos, la rhétorique, est donc légitime. L'arrière-plan de la condamnation ou non de la rhétorique est donc éminemment politique.

L'époque romaine perpétue la rhétorique et la poétique telles qu'elles ont été définies par Aristote : citons les exemples de Cicéron (dont le Pro Milone est un exemple d'école d'un discours politique), de Quintilien, Sénèque et Tacite.




La rhétorique sophistique de Gorgias (vers 485-vers 380)
1. La vérité en rhétorique / Le pacte oratoire
Protagoras est la premier à avoir avancé l'idée que la vérité, en rhétorique, procède d'un
double accord entre l'orateur et son auditoire :
(i) accord initial sur l'utilité de discuter d'une question quelconque ;
(ii)accord final sur le fait qu'une solution a été trouvée, laquelle résulte de la discussion.
La vérité n'est donc pas transcendante, mais contingente (ou relative) : elle résulte de l'accord
entre les parties.
Gorgias complète cette analyse en soulignant que, dans le cadre de l'échange oratoire,
l'orateur, qui maîtrise les techniques de la rhétorique, domine son auditoire, qui ne les maîtrise pas.
En ceci, il est donc à même de le séduire par le discours (ou logos). L'orateur est actif tandis que
l'oratoire est passif.
Ceci ne signifie pas, pour Gorgias, que l'orateur peut persuader son auditoire du bien fondé
de n'importe quelle position. C'est justement parce qu'il domine par son art l'auditoire auquel il
s'adresse qu'il se doit de l'orienter dans une voie qui ne soit pas injuste : « c'est à celui qui a exercé la
persuasion que l'injustice est imputable, pour avoir exercé sur l'âme une contrainte nécessaire ; mais
l'âme qui, ayant subi la persuasion, n'a fait que subir la nécessaire contrainte du discours, c'est en
vain et à tort qu'on l'accuse.


structure du texte de Platon:

»Écrit entre 390 et 385 avant J-C, le Gorgias se compose de plusieurs parties, marquées par les changements d'interlocuteur.

Un prologue, qui est surtout là pour poser le décor : Chéréphon et Socrate se rendent chez Calliclès, pour voir Gorgias, un célèbre rhéteur. Présentation de tous les personnages : Polos, Calliclès, et Gorgias lui-même.

Un premier dialogue entre Gorgias et Socrate ;

Un second dialogue entre Socrate et Polos, qui a impétueusement pris le relais ;

Un troisième dialogue, qui n'aboutit pas, entre Socrate et Calliclès : il n'est plus alors question de rhétorique, mais du juste et de l'injuste. Ce dialogue tourne court, car il n'y a en fait aucune valeur commune entre Calliclès et Socrate, qui permette un minimum de compréhension. Calliclès refuse finalement de répondre.

Enfin, Socrate continue tout seul, Calliclès ne donnant plus la réplique que par politesse, sans rien croire de ce que dit son interlocuteur. Il achève sa démonstration par le mythe des Enfers.

Ce dialogue peut laisser perplexe quant à son objet : on passe de la rhétorique (si importante dans une société athénienne gouvernée toute entière par la parole) à une réflexion sur le juste et l'injuste. Il faudra également se demander comment ce dialogue s'insère dans la problématique "mesure et démesure", comment il la traite et aboutit à une condamnation de la démesure
.

cherephon, Polos, Calliclès....trois visages de la démocratie

texte de Gorgias:
Éloge d’Hélène [4]
par Gorgias de Léontium

1. La parure d'une cité, c'est le courage de ses héros; celle d'un corps, c'est sa beauté : celle d'une âme, sa sagesse ; celle d une action, c'est son excellence ; celle d'un discours, c'est sa vérité. Tout ce qui s'y oppose dépare. Aussi faut-il que l'homme comme la femme, le discours comme l'action, la cité comme les particuliers, soient, lorsqu'ils sont dignes de louanges, honorés de louanges, et lorsqu'ils n'en sont pas dignes, frappés de blâme. Car égales sont l'erreur et l'ignorance à blâmer ce qui est louable ou à louer ce qui est blâmable.

2. Et cette tâche revient au même homme de clamer sans détours ce qu'est notre devoir et de proclamer que sont réfutés [texte corrompu] ceux qui blâment Hélène, femme à propos de qui s est élevé, dans un concert unanime, tout autant la voix, digne de créance, de nos poètes, que celle de la réputation attachée à son nom, devenu le symbole des pires malheurs. Ainsi voudrais-je, dans ce discours, fournir une démonstration raisonnée qui mettra fin à l'accusation portée contre cette femme dont la réputation est si mauvaise. Je convaincrai de mensonge ses contempteurs et, en leur faisant voir la vérité, je ferai cesser l’ignorance.

3. Que, par sa nature et son origine, la femme dont je parle en ce discours, soit à mettre au premier rang parmi les premiers des hommes et des femmes, rares sont ceux qui ne s'en aperçoivent clairement. Car il est clair que si sa mère est Léda, son père, quoiqu'on le dise mortel, est un dieu, qu'il s'agisse de Tyndare ou de Zeus : si c'est le premier, c'était un fait et on le crut ; si c'est le second, c'était un dieu et on le réfuta ; mais le premier était le plus puissant des hommes, et le second régnait sur toutes choses. 4. Avec une aussi noble parenté, elle hérita d'une beauté toute divine : recel qu'elle ne céla [5] pas. En plus d'un homme elle suscita plus d'un désir amoureux ; à elle seule, pour son corps, elle fit s'assembler, multitude de corps, une foule de guerriers animés de grandes passions en vue de grandes actions : aux uns appartenait une immense richesse, aux autres la réputation d'une antique noblesse, à d'autres la vigueur d'une force bien à eux, à d'autres, cette puissance que procure la possession de la sagesse ; et ils étaient tous venus, soulevés tant par le désir amoureux de vaincre que par l'invincible amour de la gloire.

5. Qui alors, et pourquoi, et comment, assouvit son amour en s'emparant d'Hélène, je ne le dirai pas. Dire ce qu'ils savent à ceux qui savent peut bien les persuader, mais ne peut les charmer. Dans le présent discours, je sauterai donc cette époque pour commencer tout de suite le discours même que je m’apprête à faire et je vais exposer les raisons pour lesquelles il était naturel qu'Hélène s'en fût à Troie.

6. Ce qu'elle a fait, c'est par les arrêts du Destin, ou par les arrêts des dieux ou par les décrets de la Nécessité qu'elle l'a fait ; ou bien c'est enlevée de force, ou persuadée par des discours, (ou prisonnière du désir). Si c'est par la cause citée en premier, il est juste d'accuser ce qui doit encourir l'accusation : la diligence des hommes ne peut s'opposer au désir d'un dieu. Le plus faible ne peut s'opposer au plus fort, il doit s'incliner devant le plus fort et se laisser conduire : le plus fort dirige, le plus faible suit. Or, un dieu est plus fort que les hommes par sa force, sa science et tous les avantages qui sont les siens. Si donc c'est contre le Destin et contre Dieu qu'il faut faire porter l'accusation, lavons Hélène de son ignominie. 7. Si c'est de force qu'elle a été enlevée, elle fut contrainte au mépris de la loi et injustement violentée. Il est clair alors que c'est le ravisseur, par sa violence, qui s'est rendu coupable ; elle, enlevée, aura connu l'infortune d'avoir été violentée. C'est donc le Barbare, auteur de cette barbare entreprise, qu'il est juste de condamner dans nos paroles, par la loi et par le fait : par la parole se fera mon procès, par la loi sera prononcée sa déchéance, par le fait il subira le châtiment. Mais, Hélène, contrainte, privée de sa patrie, arrachée à sa famille, comment ne serait-il pas naturel de la plaindre plutôt que de lui jeter l'opprobre? L'un a commis les forfaits, mais elle, elle les a endurés. Il est donc juste de prendre pitié d'elle et de haïr l'autre. 8. Et si c'est le discours qui l'a persuadée en abusant son âme, si c'est cela, il ne sera pas difficile de l'en défendre et de la laver de cette accusation. Voici comment : le discours est un tyran très puissant ; cet élément matériel d'une extrême petitesse et totalement invisible porte à leur plénitude les œuvres divines : car la parole peut faire cesser la peur, dissiper le chagrin, exciter la joie, accroître la pitié. Comment? Je vais vous le montrer. 9. C'est à l'opinion des auditeurs qu'il me faut le montrer. Je considère que toute poésie n'est autre qu'un discours marqué par la mesure, telle est ma définition. Par elle, les auditeurs sont envahis du frisson de la crainte, ou pénétrés de cette pitié qui arrache les larmes ou de ce regret qui éveille la douleur, lorsque sont évoqués les heurs et les malheurs que connaissent les autres dans leurs entreprises ; le discours provoque en l'âme une affection qui lui est propre. Mais ce n'est pas tout! Je dois maintenant passer à d'autres arguments.

10. Les incantations enthousiastes nous procurent du plaisir par l'effet des paroles, et chassent le chagrin. C'est que la force de l'incantation, dans l'âme, se mêle à l'opinion, la charme, la persuade et, par sa magie, change ses dispositions. De la magie et de la sorcellerie sont nés deux arts qui produisent en l'âme les erreurs et en l'opinion les tromperies.

11. Nombreux sont ceux, qui sur nombre de sujets, ont convaincu et convainquent encore nombre de gens par la fiction d'un discours mensonger. Car si tous les hommes avaient en leur mémoire le déroulement de tout ce qui s'est passé, s'ils [connaissaient] ; tous les événements présents, et, à l'avance, les événements futurs, le discours ne serait pas investi d'une telle puissance ; mais lorsque les gens n’ont pas la mémoire du passé, ni la vision du présent, ni la divination de l'avenir, il a toutes les facilités. C'est pourquoi, la plupart du temps, la plupart des gens confient leur âme aux conseils de l'opinion. Mais l'opinion est incertaine et instable, et précipite ceux qui en font usage dans des fortunes incertaines et instables. 12. Dès lors, quelle raison empêche qu'Hélène aussi soit tombée sous le charme d'un hymne, à cet âge où elle quittait la jeunesse? Ce serait comme si elle avait été enlevée et violentée. Car le discours persuasif a contraint l'âme qu'il a persuadée, tant à croire aux discours qu'à acquiescer aux actes qu'elle a commis. C'est donc l'auteur de la persuasion, en tant qu'il est cause de contrainte, qui est coupable ; mais l'âme qui a subi la persuasion a subi la contrainte du discours, aussi est-ce sans fondement qu'on l'accuse.

13. Que la persuasion, en s'ajoutant au discours arrive à imprimer jusque dans l'âme tout ce qu'elle désire, il faut en prendre conscience. Considérons en premier lieu les discours des météorologues : en détruisant une opinion et en en suscitant une autre à sa place, ils font apparaître aux yeux de l'opinion des choses incroyables et invisibles. En second lieu, considérons les plaidoyers judiciaires qui produisent leur effet de contrainte grâce aux paroles : c'est un genre dans lequel un seul discours peut tenir sous le charme et persuader une foule nombreuse, même s'il ne dit pas la vérité, pourvu qu'il ait été écrit avec art. En troisième lieu, considérons les discussions philosophiques : c'est un genre de discours dans lequel la vivacité de la pensée se montre capable de produire des retournements dans ce que croit 1'opinion. 14. Il existe une analogie entre la puissance du discours à l'égard de l'ordonnance de l'âme et l'ordonnance des drogues à l'égard de la nature des corps. De même que certaines drogues évacuent certaines humeurs, et d'autres drogues, d'autres humeurs, que les unes font cesser la maladie, les autres la vie, de même il y a des discours qui affligent, d'autres qui enhardissent leurs auditeurs, et d'autres qui, avec l'aide maligne de Persuasion, mettent l'âme dans la dépendance de leur drogue et de leur magie.

15. Dès lors, si elle a été persuadée par le discours, il faut dire qu'elle n'a pas commis l'injustice, mais qu'elle a connu l'infortune. Mais je dois exposer, quatrième argument, ce qu'il en est de la quatrième cause. Si c'est Éros qui est l'auteur de tout cela, il n'est pas difficile d'innocenter Hélène de l'accusation de ce qu'on nomme sa faute. En effet, la nature des objets que nous voyons n'est pas déterminée par notre volonté, mais par ce que chacun se trouve être. Par la vue, l'âme est impressionnée jusque dans ses manières propres. 16. C'est ainsi que, lorsque l'œil contemple tout ce qui concrétise l'ennemi dans la guerre : les ornements de bronze et de fer sur les armures hostiles, les armes de la défense, les armes de l'attaque, il se met brusquement à trembler et fait trembler l'âme aussi, à tel point que souvent, à la vue d'un danger qui doit arriver, frappé de terreur, on s'enfuit comme s'il était déjà là. C'est que la solide habitude de la loi est expulsée hors de nous par cette crainte née de la vue, dont l'arrivée fait tenir pour rien ce qui était tenu beau au jugement de la loi : le bien qui résulte de la victoire.

17. Certains, dès qu'ils ont vu des choses effrayantes, perdent sur-le-champ la conscience de ce qui se passe : c'est ainsi que la terreur peut éteindre ou faire disparaître la pensée. Nombreux sont ceux qui furent frappés par de vaines souffrances, par de terribles maux, par d'incurables folies. C'est ainsi que l'œil a gravé dans leur conscience les images de ce qu'ils ont vu. Je passe sur de nombreux spectacles terrifiants : ce sur quoi je passe ne diffère pas de ce dont j'ai parlé.

18. De même, les peintres procurent un spectacle charmeur pour la vue lorsqu'ils ont terminé de représenter un corps et une figure, parfaitement rendus à partir de nombreuses couleurs et de nombreux corps. La réalisation de statues, d'hommes ou de dieux, procure aux yeux un bien doux spectacle. C'est ainsi qu'il y a des choses attristantes à regarder, d'autres exaltantes. Il y a beaucoup de choses qui suscitent, chez beaucoup, amour et ardeur de beaucoup de choses et de corps.

19. Si donc l'œil d'Hélène, à la vue du corps d'Alexandre, a ressenti du plaisir et a excité, en son âme, désir et élan d'amour, quoi d'étonnant? Si Éros est un dieu, il a des dieux la puissance divine : comment un plus faible pourrait-il le repousser et s'en protéger? Mais si la cause est un mal d'origine humaine, une ignorance de l'âme, il ne faut pas blâmer le mal comme une faute, il faut le tenir pour un malheur. Car, ce qui l'a fait survenir comme tel, ce sont les pièges de la fortune, et non les décisions du bon sens, ce sont les nécessités de l'amour, non les dispositions de l'art. 20. Dans ces conditions, comment pourrait-on estimer juste le blâme qui frappe Hélène? Qu'elle soit une victime de l'amour, ou du discours persuasif, qu'elle ait été enlevée de force ou nécessitée à faire ce qu'elle a fait par la Nécessité divine, quoi qu'il en soit, elle échappe à l'accusation.

21. J'espère avoir réduit à néant, dans ce discours, la mauvaise réputation d'une femme, et m'être tenu à la règle que j'avais fixée au commencement de mon discours. J'ai tenté d'annuler l'injustice de cette mauvaise réputation et l'ignorance de l'opinion. Et si j'ai voulu rédiger ce discours, c'est afin qu'il soit, pour Hélène, comme un éloge, et pour moi, comme un jeu. (Éloge d'Hélène. Texte conservé

center]L'Éloge d’Hélène et la Défense de Palamède sont avant tout intéressants par la théorie du discours qu'ils impliquent. L'un comme l'autre de ces plaidoyers reste enfermé dans les limites du discours, le raisonnement est toujours abstrait et exclusivement formel, bref, la matérialité des faits est explicitement congédiée au profit d'une batterie d'a priori purement discursifs : la liste des hypothèses étant saturée, on voit, par simple déduction que, dans le cas d'Hélène, toutes concluent à l'irresponsabilité et, dans le cas de Palamède, à l'innocence. On ne manquera pas d'être sensible à la fois à ces sortes de parenthèses sur la force du discours, les conditions de la perception et le statut de la contradiction où le défenseur instruit ses juges et les introduit à la sophistique, et à la structure logique récurrente dans le maniement de l'argumentation a fortiori, qui donne à ces deux fictions oratoires non seulement l'allure, mais la construction du Traité du non-être. Argumentation typiquement sophistique mais qui découvre une profondeur inattendue qui est sans doute la vérité de la rhétorique et qui, bien plus qu'un immoralisme, cache un sens violemment humain de la justice : à savoir qu'il n'y a pas de causes perdues, que tout geste est défendable. C'est là une leçon de morale.
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Mme Emel
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